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Prisonnier


Chapitre 13 "Exaltation"

L’ultime étape est là, les fondamentaux sont acquis pour Pierre, le besoin du partage se fait jour. C’est l'instant où nous sommes prêts à partager sincèrement que nous sommes vraiment libres. Il s’agit d’une liberté conquise sur notre égoïsme, sur nos penchants contraires à l’accès à un bonheur durable. La paix intérieure génère un ressenti de bonheur qui procure une sensation de paix et ainsi de suite dans un cercle vertueux qui s’auto-amplifie.

L’extase mystique appelle l’extase mystique. Le besoin du partage d’une telle simplicité devient une évidence. Il faut alors faire preuve de patience et de compassion pour accepter que les autres humains dans leur grande majorité préfèrent leurs peurs, leurs souffrances, la culpabilité et n’osent pas accepter ce don permanent. Il n'est pas acquis définitivement mais à reconquérir tous les jours.  

Pierre sort d’un cycle de 1 288 jours (3 ans, 3 mois, 3 jours), exactement 46 lunes, on est à 3 cycles du nombre d’étapes du Bardo qui en compte 49. Le chemin n’est pas terminé, mais très avancé. Il est enfin prêt à sortir, donc la porte s’ouvre, confirmant sa liberté acquise.

Comme à la fin de tout parcours initiatique, tout est expliqué. Tout avait du sens et était orienté vers un objectif unique, la libération de Pierre. Il apparait ici une notion à méditer « un jour, tu seras prêt et tu te révèleras à toi-même ». Chacun de nous a ce chemin à mener vers sa propre révélation.

Thundup a joué le rôle d’hiérophante pour Pierre, il l’a suivi, accompagné en lui laissant toujours la liberté de choisir. Lorsque Pierre a été précipité dans cette cellule, Thundup a pris le rôle le plus humble qui soit, celui de gardien qui assure l’intendance du lieu. Il a gardé le silence mais surveillé son protégé en permanence, lui apportant au fur et à mesure de son élévation les éléments dont il avait besoin pour poursuivre son avancement sur le chemin.

In fine, clin d’œil au début de livre, Pierre est sidéré de ce qui lui arrive. Le retour au titre du premier chapitre montre que la boucle est bouclée. Cette sidération marque et confirme l’ouverture d’un nouveau cycle dans la vie de Pierre.


12/12/2015
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Chapitre 12 "Elévation"

Le titre de ce chapitre comme celui du précédant est une allusion directe aux pratiques des initiations traditionnelles en trois degrés. Il s’agit de l’accès au troisième et dernier degré. L’élévation officialise la reconnaissance par le groupe de l’entrée véritable sur le chemin d’évolution spirituelle. Il s’agit là bien entendu d’un symbole, de nombreux éminents spiritualistes ne sont pas passés par ces rituels. Ils sont actuellement si souvent vidés de leur sens profond que leurs exécutants ont perdu depuis longtemps. Ils se limitent à être de simples pièces de théâtre plus ou moins bien jouées. Il n’y a malheureusement plus ni spiritualité ni travail d’amélioration personnelle dans de nombreux cas.

L’élévation donne accès à la vision lucide de l’être. Elle officialise la mort de la personnalité ancienne, la révèle dans son rôle de masque qui travestissait l’être vrai qui maintenant peut s’exprimer davantage. Il y a là une seconde naissance. Le nouveau-né ouvre des yeux nouveaux sur le monde, sur la vie, sur les êtres. Sa compréhension est renouvelée. L'intensité de sa vie monte en puissance, la douceur s'installe dans son âme.

La photo du maître qui est remise à Pierre valide sa nouvelle naissance. Il entre dans sa nouvelle famille dans laquelle il est accueilli comme l’enfant prodigue qui revient après un long périple. Pierre analyse alors sa vie et comprend pourquoi jusqu’ici rien, aucune possession, aucune domination n’avait pu le satisfaire. Il comprend que sa quête n’était ni la fortune ni la position sociale comme il se l’était longtemps fait croire. Il accepte que la pulsion de vie en lui soit son véritable maître. Il en accueille l’expression brute, naturelle sans intervenir avec son mental ou son émotivité, alors elle s’installe et se déploie.  L’énergie est libérée harmonieusement, elle irrigue tous les canaux, anime toutes les cellules dans un chant à l’unisson. Une petite musique se met en place.

Le face à face se produit avec l’esprit lorsque Pierre rencontre ce soleil enfoui en lui qui limite son rayonnement pour ne pas le brûler. Pierre pourrait se laisser aspirer et arrêter là de vivre, mais la compassion qu’il a maintenant développée le retient parmi les humains. Il a acquis une vision claire des états de son être, il discerne où il se situe à chaque instant, dans son mental, dans ses sensations ou ailleurs…

L’ultime étape se profile, elle est l’objet du chapitre 13.


21/11/2015
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Parlons un peu du Tibet

Ce roman se déroule dans la zone frontière dans la proximité immédiate de ce qu’était le Tibet avant l’invasion par les chinois et la fuite du Dalaï-Lama en 1959. Plusieurs années le jeune chef d’état a cherché à composer avec les envahisseurs. Les chinois se sont joués de cet adolescent en lui racontant ce qu’il voulait entendre tout en détruisant systématiquement tous les temples, en tuant ou déportant dans des lao gai les moines et tout tibétain récalcitrant. La violence de la répression et la brutalité des forces d’occupation ont conduit de nombreux tibétains à s’exiler en Inde ou plus loin.

Une nouvelle administration a été mise en place exclusivement composée de Hans de souche. La « région autonome » du Tibet est passée à l’heure de Pékin (décalage de 5 heures), l’invasion a été programmée dès le départ avec le transfert de plus de 600 000 Hans sur les hauts plateaux. La "modernisation" a commencé : routes, aérodromes, voies ferrées pour acheminer vers l’Est les précieuses matières premières tirées des mines nouvellement ouvertes dont l’exploitation ne respecte bien entendu pas l’environnement, polluant gravement les cours d’eau du pays. Un travail hydraulique considérable a été lancé, pour détourner de nombreux cours d’eau s’écoulant vers l’Inde pour les renvoyer côté chinois où on commence à manquer d’eau pour une industrie en forte croissance.

Le Tibet d’aujourd’hui est une zone arrière de la Chine et ce qui a été fait en soixante ans d’occupation et de spoliation est irréversible. On a par force abandonné les modes de construction ancestraux pour construire comme à Pékin, les villes sont polluées dans tous les domaines possibles. Les campagnes sont exploitées dans le plus profond mépris des réalités géographiques avec des rendements médiocres malgré le recours intensif à l’agrochimie. Enfin aujourd’hui, il y a plus de Hans d’origine que de tibétains de souche dans la région. Même si un élan démocratique conduisait à un référendum sur une plus grande autonomie de la région comme l’a longtemps demandé le Dalaï-Lama, le résultat serait largement en faveur de la position de la chine. Les tibétains en exil étant déchus de leur nationalité de fait selon les autorités chinoises, ils ne participeraient pas au vote.

La revendication pour un Tibet libre est un rêve, une utopie. Depuis soixante ans, avec la complicité de l’ensemble des grandes nations le Tibet a été rayé de la carte. Les tibétains n’ont pas eu la chance de compter dans l’équilibre économique de l’Europe ou des Etats Unis alors on a abandonné sans faire le moindre geste, sans faire le moindre reproche un peuple et une culture. Tous savaient, aucun n’est intervenu. Quel intérêt ? Pas de pétrole, pas d’investissements occidentaux à défendre. Un peuple souffre, l’occident s’en fout, il a fait fortune sur la souffrance des peuples et en les exterminant s’ils s’opposaient à sa "légitimité". En Amérique du Sud, en Afrique, même en Orient, alors si les chinois s’inventent des droits à coloniser, ce ne sont pas à l’époque des colonisateurs empêtrés comme nous dans une guerre au Vietnam ou dans les « évènements » d’Algérie qui pouvions donner des leçons. Oublions donc le rêve romantique d’un Tibet libre revenant à ce qu’il était avant l’invasion.   

Le récit présente les bases du bouddhisme tibétain tel qu’il est encore pratiqué sur les hauts plateaux ou les contreforts himalayens du nord de l’Inde, au Népal, au Bhoutan. Il ne s’agit pas d’une religion unifiée avec une doctrine  claire et canonique. Le Dalaï-Lama n’a rien à voir avec ce qu’est un pape pour les chrétiens. Il est une figure importante pour tous les tibétains qui le vénèrent dans son statut de bouddha vivant, pour autant ils sont relativement peu nombreux à appartenir à son école la secte des gelugpas. Il était le chef d’état du Tibet, avec une fonction complémentaire spirituelle mais pas exclusive.

L’organisation du Tibet d’avant l’invasion n’a rien à voir avec ce que nous avons l’habitude de concevoir avec notre vision colbertiste qui repose sur un état centralisé fort qui tient le territoire. Chaque village, parfois chaque hameau avait son roitelet le « gyalpo » qui assurait administration, police et justice de première instance. Les habitants de son territoire avaient un statut proche de celui des serfs du moyen âge en France. La société était de type féodal, mais avec un roi militairement faible laissant aux vassaux le soin de gérer leur territoire et n’intervenant que pour des arbitrages entre gyalpos ou entre les gyalpos et leurs sujets. De même la notion de frontière n’était pas très nette, que ce soit entre les secteurs administratifs ou même avec les pays limitrophes. Par exemple l’ermitage dans lequel a séjourné Milarepa est situé dans l’actuel Népal, à une trentaine de kilomètres de la frontière.

De nombreuses populations n’étaient pas sédentaires, elles vivaient sur les hauts plateaux, suivant plutôt que guidant le mouvement de leurs troupeaux de yaks. Les chemins étaient peu sûrs. Les bandes de brigands à l’affût des voyageurs étaient nombreuses. Le niveau de vie était peu élevé et les conditions de vie difficiles. La société était plutôt de type patriarcal, cependant, de manière générale, ce sont les femmes qui choisissaient leurs hommes. La religion officielle était depuis des siècles le bouddhisme, mais des indouistes et des musulmans étaient présents. Le bouddhisme tibétain n’est pas un ensemble homogène, il s’agit d’une mosaïque avec de nombreuses variantes, il est divisé en de nombreuses sectes. L’ancien rite subsiste, il s’agit d’une religion incluant de nombreuses pratiques chamaniques et magiques ayant grandement inspiré les bouddhismes tibétains.

De très grandes communautés religieuses se sont développées au fil des siècles. Les monastères de Sera et Drepung étaient forts de plusieurs milliers de moines. Il s’agissait d’une société parallèle avec sa propre police (les dob-dob), son administration, ses champs, ses bêtes toutes les fonctions de la société étaient représentées dans ces monastères. Les enfants en surnombre qu’on savait ne pas pouvoir nourrir étaient donnés aux temples qui les accueillaient pour en faire leur main d’œuvre et disposer ainsi d’un vivier de vocations possibles. Parmi cette foule de moines, quelques-uns avaient des convictions religieuses et se lançaient dans les études pour devenir lamas.

La capitale Lassa était un lieu saint pour tous les courants religieux et le Potala, palais d’hiver du Dalaï-Lama en était le joyau. Le lac Khokounor, le mont Kaïlach étaient aussi des lieux saints vers lesquels les pèlerins se rendaient pour obtenir des grâces, alléger leur karma. Les pèlerins mesuraient le chemin avec leur corps. La prière complète commence debout, mains jointes posées au sommet de la tête, ensuite devant le visage, puis devant le cœur. Ensuite, le pèlerin s’agenouille et s’allonge de tout son corps, front posé sur le sol, main en avant. Après cette prosternation, il se relève au niveau où étaient ses mains et recommence, avançant de la longueur de son corps à chaque prière. Les dévots pratiquent toujours cette prière autour des lieux saints, chortens ou parcours vénérés.

Les chortens sont la version tibétaine des stupas indiens. Ils ont la même fonction religieuse de signaler un lieu particulier honoré par le passage d’un saint ou par un épisode important de l’épopée d’un saint. Le plus souvent, ils contiennent des reliques, os, cendres ou objets provenant d’un saint.

La musique rituellique tibétaine est très particulière, elle n’existe sous cette forme que dans cette variante du bouddhisme. Son esthétique n’est pas forcément accessible aux oreilles occidentales qui y trouvent souvent l’expression d’une grande cacophonie. Elle est issue des rites de l’ancienne religion Bön qui existait avant le bouddhisme au Tibet. Les instruments sont uniques aussi, grandes trompes, hautbois, mais aussi et surtout tambourins avec membrane en peau humaine, pipeaux et flûtes en os humains, généralement prélevés avec leur autorisation préalable sur la dépouille de lamas ou de Toulkous. Il ne s’agit pas là d’un goût morbide mais de mettre en lumière l’impermanence de la condition humaine. Les alchimistes de la renaissance se rendaient dans les cimetières pour y observer la décomposition des corps avec des motivations similaires.

Terminons ce petit chapitre de présentation par les Toulkous. Un Toulkou est un être d’une grande spiritualité qui garde sa charge d’une incarnation sur la suivante. Il reste en titre par exemple de la charge d’un monastère. Avant qu’il ne meure, il nomme un régent qui va s’occuper des affaires courantes jusqu'à son retour. Il donne des explications sur le lieu et la date de sa prochaine incarnation. On attend en général quatre ou cinq ans pour se mettre en recherche de sa nouvelle incarnation. Souvent, l’enfant a déjà révélé à ses parents qu’il ne va pas rester avec eux et qu’il va retourner bientôt chez lui. Une mission de moines va chercher les enfants répondant aux critères et on leur fait passer un examen qui permet de définir lequel est le Toulkou. Il est ensuite réintégré dans ses fonctions. Ses parents ou sa mère peuvent être hébergés avec lui jusqu’à ce qu’il l’âge de raison, soit sept ans, à moins qu’il ne les congédie plus tôt. 


06/11/2015
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Le passage du seuil

Pierre quand il pratique ses travaux spirituels passe régulièrement le seuil. Je crois utile d’apporter quelques précisions sur la nature de ce seuil et ses particularités. Il s’agit du passage du principe conscient du monde physique vers d’autres lieux de perception. L’accès premier donné aux humains est dans leur banlieue proche, dans le domaine de l’éther réflecteur.

Les initiations antiques enseignaient la présence de gardiens du seuil. Il s’agissait d’être terribles dotés de pouvoir immenses qui pouvaient écraser ou réduire en bouillie tout importun qui passe le seuil sans y être dûment autorisé. Dans leur sagesse les hiérophantes dissuadaient les apprentis de se lancer dans ce monde, de passer le seuil de manière prématurée. Ils savaient les dangers et les conséquences possibles pour l’impétrant insuffisamment préparé.

Qui sont ces gardiens du seuil ? Il n’est pas sage de répondre trop tôt à cette question. Retenons qu’ils ont un rôle de protection et de prévention. Ils n’interdisent pas strictement l’accès mais ils protègent ou tentent de le faire pour en dissuader celui qui veut accéder trop tôt ou avec une mauvaise orientation. Ils sont un bon indicateur pour celui qui est exercé. Leur réaction va l’inciter à aller de l’avant ou non.

Derrière le seuil se trouve un monde particulier dont les règles sont très différentes de celles de notre quotidien. Il est stupide et dangereux de décider de se rendre au-delà du seuil pour des motifs issus de son ego. Dans la pratique, nous n’avons pas à chercher à le traverser ni à en forcer l’accès.  Nous n’avons même pas à décider et ceux qui font des exercices dans ce sens se mettent en danger. Il n’y a pas de processus à apprendre ou à maîtriser, pas de rituel ni de formule ou d’incantation. Ces recettes sont celles qui lient à des égrégores ou à des entités (élémentaires et élémentaux principalement) qui attendent les humains derrière le seuil pour pomper leur énergie, vivre et se développer à leurs dépens.   

Se lancer sans un guide sérieux et éprouvé expose à de sérieux déboires. Mais au fait, se lancer pour quoi faire ? Le meilleur moyen est donc de ne pas chercher à explorer ces mondes, de ne pas céder à la tentation de ces promesses d’expériences nouvelles et exaltantes. Nous sommes incarnés et notre action doit être dans la matière. Toute digression ailleurs nous éloigne de notre mission de vie qui se situe dans la matière sinon nous ne serions pas ici dans cette condition.

Dans le stade actuel d’évolution de l’humanité, nous sommes tournés sur notre moi dans un individualisme forcené. Notre chantier est donc notre moi et notre propre matière en est l’outil, en aucun cas celui des autres. Notre travail est donc d’aller à la découverte de la complexité de notre être jusqu’à y trouver la simplicité initiale qui le constitue. Notre unité est comme celle d’un oignon, un ensemble de couches plus ou moins sèches ou humides. L’épluchage produit son lot de larmes, mais il donne accès au cœur sensible et palpitant de notre être. 

Le moi dispose de moyens d’action que sont le mental qui pense tout le temps et le cœur qui émet des sentiments en permanence. Notre conscience est envahie de sensations positives ou négatives et d’idées, de pensées associés qui fusent en flux continu. Notre ego a peur du silence qui est l’image première qu’il se fait de la mort, aussi il produit constamment du bruit pour chasser ses peurs. Comme l’enfant qui marche en tapant des pieds pour chasser les fantômes qu'il s'invente dans la pénombre de sa chambre, l’ego produit de l’agitation à la surface de notre conscience sans discontinuer.

L’éther réflecteur est sensible et influencé par celui qui le pénètre et par son état d’esprit. Il offre à voir ce qu’on y apporte et rien d’autre. Nous ne contactons que la projection de nos élans, ce peut être un monde  doux ou au contraire violent. On peut y installer toute une population fantasmée et inviter à la visiter d’autres personnes si elles acceptent de se faire dominer par nos projections astrales. Il ne s’agit que d’illusions plus ou moins durables. La schizophrénie y est la règle, on s’y dédouble en créant tout un panthéon dont il faut avoir conscience qu’il est notre propre émanation.

L’illusion est parfaite et les êtres que l’on côtoie dans le monde de l’éther réflecteur peuvent nous paraître extérieurs à nous et même avoir une vie indépendante. On peut leur parler et dans le cas fréquent de délires mystiques,  il peut se présenter à nous sous la forme d’un maître spirituel qui vient nous donner des enseignements. Si on écoute et analyse ces enseignements, ils sont en général d’une rare pauvreté signe de leur origine réelle : notre capacité à nous raconter des histoires.

Il ne s’agit pas de critiquer ou de remettre en cause la sincérité de ceux qui s’adonnent à ces pratiques, mais d’une manière générale, elles ne conduisent nulle part.  Le risque est grand lorsque l’on médite avec assiduité de se faire aspirer vers les mondes merveilleux ou redoutables de l’éther réflecteur. L’agitation de ces mondes est directement liée à l’état dans lequel nous sommes au moment d’en franchir le seuil.

Le seul conseil à donner est de rester vigilent quand ce type d’expérience se profile à l’horizon. La facilité est de se laisser entraîner dans une forme de rêve éveillé amélioré. Certes c’est là un domaine où notre être profond  nous parle directement. Comme il s’agit d’un langage que  nous ne possédons pas intellectuellement,  nous ne comprenons pas ce qu’il  nous dit. Ceci n’est pas un travail spirituel, c’est du spiritisme, le pire écueil qui menace l’apprenti.

Notre travail consiste à cultiver des moments de paix intérieure, d’être en contact conscient avec notre corps physique, avec le peuple de nos cellules. Nous devons contacter le sens premier qui est le sens de la vie. Nous avons l’habitude de parler de nos cinq sens, mais en réalité, vous le savez certainement, nous avons douze sens et le premier parmi tous est le sens de la vie. C’est lui qui se manifeste le premier, dès la conception, la fécondation de l’ovule, c’est le sens de la vie qui va créer la fusion et la fraternité entre les cellules qui vont constituer notre corps physique. C’est le sens de la vie qui maintient la cohérence de notre corps physique et son intégrité. C’est lui qui préside aux fonctions fondamentales qui nous maintiennent en vie. L’essentiel du sens de la vie est hors de notre champ de conscience. Pourtant, si nos autres sens fonctionnent c’est parce que  nous sommes en vie, encore faut-il s’en rendre compte.

Sentir la vie en nous, sa pulsation, sa chaleur, écouter les bruits doux et harmonieux de notre corps au repos. Ecouter ce niveau de silence nous conduit vers la paix intérieure. Rien n’a d’importance que ce contact privilégié avec nous-même loin de l’agitation de notre ciboulot ou de l’excitation de nos émotions. Il nous faut accueillir nos penchants, mais ils ne doivent pas être notre moteur en ces moments consacrés au contact avec nous –même. Dans cette sérénité, lorsque nous sommes prêts et ouverts, dans la paix de notre être, le passage du seuil peut se présenter. Ne rien forcer, ne rien brusquer, surtout rester spectateur neutre et bienveillant. Dès que l’ego pointe son museau, patatras, il projette des images plus ou moins gracieuses dans l’éther réflecteur et on part vers des délires plus ou moins lourds et encombrants.

Une image peut aider à comprendre comment nous influençons l’éther réflecteur. Comparons-le à un verre d’eau pure. En entrant en contact, on injecte une quantité d’encre de couleur. L’ensemble du contenu va être agité de volutes teintées. Si l’encre est bleue, rouge ou verte, les volutes ont la couleur correspondante. La couleur ne vient pas de l’eau mais de l’encre qui a été injectée. Tirer des conclusions sur la couleur de l’eau n’est dans ce cas pas faux, mais ce n’est pas non plus vrai car au repos, avant l’injection d’encre,  l’eau n’a pas de couleur. Ainsi la description de ce qui se passe dans ce monde est très variable d’un individu à l’autre en fonction de sa culture et de son histoire. Les bouddhistes y rencontrent Bouddha, les chrétiens Jésus et ses saints, les Indiens Shiva… chacun avec sincérité y rencontre ce qu’il y convoque, ce qu’il y construit.

Une autre image peut amener un élément de compréhension supplémentaire, celle de la  vitre sans tain. Lors du passage du seuil nous nous trouvons devant une vitre sans tain. Tant que nous nous agitons mentalement ou émotionnellement nous produisons des images sur la glace et nous les voyons. Si nous entrons dans un état de grande quiétude, nous ne projetons rien sur la glace et une lueur peut se distinguer derrière la glace. Plus notre état de paix intérieure est développé et plus cette clarté prédomine et nous permet de voir enfin au-delà du miroir.

Qu’y a-t-il derrière le miroir ? La réponse n’appartient pas à l’intellect, elle n’est pas ici, elle est au bout de vos méditations, par-delà du seuil.


17/10/2015
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Chapitre 11 "Passage"

Le titre de ce chapitre comme celui du suivant est une allusion directe aux pratiques des initiations traditionnelles en trois degrés. Il s’agit de l’accès au second degré. Le premier degré a enseigné à l’apprenti à se tenir droit, à trouver la verticale (symbolisée par le fil à plomb). Le fait d’avoir été initié entretien l’illusion chez certains d’avoir atteint un but de faire partie d’une classe d’humains au-dessus des autres. Le second degré est celui de la désillusion, on y apprend notamment la stagnation, la prise de conscience des états intermédiaires. Alors qu’on se croyait à mi-parcours, on apprend que ce qu’on prenait pour le but n’est que le début du commencement du travail à faire pour participer utilement à l’œuvre. 

Pierre, confronté à la stagnation perd espoir, mais son maître intérieur est là et veille comme c’est le cas pour chacun de nous. La petite lampe ne s’éteint pas. Pierre relativise la notion d’échec liée aux sensations. Il différentie ce qui est plaisant, déplaisant ou neutre et trouve son refuge hors du monde des sensations. Il a découvert que se fier à ses sensations n’est que s’abandonner à son histoire, à la mémoire de ses cellules qui réagissent par analogie avec ce qu’elles ont vécu. Nos cellules nous proposent une somme de réflexes Pavloviens qui visent à nous écarter de ce qui est déplaisant pour nous conduire vers ce qui leur est plaisant. Ces deux voies sont des impasses qui nous conduisent à la périphérie de notre être.

Pierre prend conscience de l’incohérence des constructions humaines, de l’illusion et de la vacuité de la structure de nos sociétés et des buts de nos vies même. C’est là que lui revient en mémoire la vie de Milarepa lorsqu’il comprend l’indigence de ses motivations initiales dans sa volonté de nuire et de venger sa mère. Marpa son maître a un comportement totalement incohérent avec lui, lui faisant démolir ce qu’il venait de lui ordonner de construire, l’insultant. Un jour Milarepa ne cherche plus à rendre le monde cohérent, ne cherche plus du sens dans ce qui lui arrive, il abandonne son mental et sa volonté de comprendre et dominer. Alors seulement il parvient sur le seuil de l’illumination permanente et le franchit.

Dans ce chapitre Pierre sait qu’ils sont onze « prisonniers » dont un a été libéré mais n’est pas parti. Tant qu’il cherche à expliquer cette situation, il perd son temps. Ce qui est important c’est de vivre avec sincérité dans le présent et non de tout expliquer. Encore un pas franchi par Pierre, cesser de vouloir tout comprendre, arrêter ainsi le moteur de la domination.

Les exercices que pratique Pierre l’ont conduit à réaliser le bien précieux qu’est d’être en vie. Vie à laquelle même dans les pires conditions on s’accroche. Il est reconnaissant à ses cellules pour leur solidarité qui lui permet de poursuivre son existence, à ses parents de l’avoir conçu et de lui avoir permis de naître. Ainsi il fait la paix avec son histoire de vie, avec son hérédité. L’évidence du bonheur lui paraît, il accepte le flux d’amour qui attend chaque être à la seule condition qu’il se laisse submerger. Le katha (écharpe que le disciple échange avec le maître) qui lui est remis représente ce don d’amour et valide la possibilité de l’étape suivante.   


07/10/2015
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