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Le passage du seuil

Pierre quand il pratique ses travaux spirituels passe régulièrement le seuil. Je crois utile d’apporter quelques précisions sur la nature de ce seuil et ses particularités. Il s’agit du passage du principe conscient du monde physique vers d’autres lieux de perception. L’accès premier donné aux humains est dans leur banlieue proche, dans le domaine de l’éther réflecteur.

Les initiations antiques enseignaient la présence de gardiens du seuil. Il s’agissait d’être terribles dotés de pouvoir immenses qui pouvaient écraser ou réduire en bouillie tout importun qui passe le seuil sans y être dûment autorisé. Dans leur sagesse les hiérophantes dissuadaient les apprentis de se lancer dans ce monde, de passer le seuil de manière prématurée. Ils savaient les dangers et les conséquences possibles pour l’impétrant insuffisamment préparé.

Qui sont ces gardiens du seuil ? Il n’est pas sage de répondre trop tôt à cette question. Retenons qu’ils ont un rôle de protection et de prévention. Ils n’interdisent pas strictement l’accès mais ils protègent ou tentent de le faire pour en dissuader celui qui veut accéder trop tôt ou avec une mauvaise orientation. Ils sont un bon indicateur pour celui qui est exercé. Leur réaction va l’inciter à aller de l’avant ou non.

Derrière le seuil se trouve un monde particulier dont les règles sont très différentes de celles de notre quotidien. Il est stupide et dangereux de décider de se rendre au-delà du seuil pour des motifs issus de son ego. Dans la pratique, nous n’avons pas à chercher à le traverser ni à en forcer l’accès.  Nous n’avons même pas à décider et ceux qui font des exercices dans ce sens se mettent en danger. Il n’y a pas de processus à apprendre ou à maîtriser, pas de rituel ni de formule ou d’incantation. Ces recettes sont celles qui lient à des égrégores ou à des entités (élémentaires et élémentaux principalement) qui attendent les humains derrière le seuil pour pomper leur énergie, vivre et se développer à leurs dépens.   

Se lancer sans un guide sérieux et éprouvé expose à de sérieux déboires. Mais au fait, se lancer pour quoi faire ? Le meilleur moyen est donc de ne pas chercher à explorer ces mondes, de ne pas céder à la tentation de ces promesses d’expériences nouvelles et exaltantes. Nous sommes incarnés et notre action doit être dans la matière. Toute digression ailleurs nous éloigne de notre mission de vie qui se situe dans la matière sinon nous ne serions pas ici dans cette condition.

Dans le stade actuel d’évolution de l’humanité, nous sommes tournés sur notre moi dans un individualisme forcené. Notre chantier est donc notre moi et notre propre matière en est l’outil, en aucun cas celui des autres. Notre travail est donc d’aller à la découverte de la complexité de notre être jusqu’à y trouver la simplicité initiale qui le constitue. Notre unité est comme celle d’un oignon, un ensemble de couches plus ou moins sèches ou humides. L’épluchage produit son lot de larmes, mais il donne accès au cœur sensible et palpitant de notre être. 

Le moi dispose de moyens d’action que sont le mental qui pense tout le temps et le cœur qui émet des sentiments en permanence. Notre conscience est envahie de sensations positives ou négatives et d’idées, de pensées associés qui fusent en flux continu. Notre ego a peur du silence qui est l’image première qu’il se fait de la mort, aussi il produit constamment du bruit pour chasser ses peurs. Comme l’enfant qui marche en tapant des pieds pour chasser les fantômes qu'il s'invente dans la pénombre de sa chambre, l’ego produit de l’agitation à la surface de notre conscience sans discontinuer.

L’éther réflecteur est sensible et influencé par celui qui le pénètre et par son état d’esprit. Il offre à voir ce qu’on y apporte et rien d’autre. Nous ne contactons que la projection de nos élans, ce peut être un monde  doux ou au contraire violent. On peut y installer toute une population fantasmée et inviter à la visiter d’autres personnes si elles acceptent de se faire dominer par nos projections astrales. Il ne s’agit que d’illusions plus ou moins durables. La schizophrénie y est la règle, on s’y dédouble en créant tout un panthéon dont il faut avoir conscience qu’il est notre propre émanation.

L’illusion est parfaite et les êtres que l’on côtoie dans le monde de l’éther réflecteur peuvent nous paraître extérieurs à nous et même avoir une vie indépendante. On peut leur parler et dans le cas fréquent de délires mystiques,  il peut se présenter à nous sous la forme d’un maître spirituel qui vient nous donner des enseignements. Si on écoute et analyse ces enseignements, ils sont en général d’une rare pauvreté signe de leur origine réelle : notre capacité à nous raconter des histoires.

Il ne s’agit pas de critiquer ou de remettre en cause la sincérité de ceux qui s’adonnent à ces pratiques, mais d’une manière générale, elles ne conduisent nulle part.  Le risque est grand lorsque l’on médite avec assiduité de se faire aspirer vers les mondes merveilleux ou redoutables de l’éther réflecteur. L’agitation de ces mondes est directement liée à l’état dans lequel nous sommes au moment d’en franchir le seuil.

Le seul conseil à donner est de rester vigilent quand ce type d’expérience se profile à l’horizon. La facilité est de se laisser entraîner dans une forme de rêve éveillé amélioré. Certes c’est là un domaine où notre être profond  nous parle directement. Comme il s’agit d’un langage que  nous ne possédons pas intellectuellement,  nous ne comprenons pas ce qu’il  nous dit. Ceci n’est pas un travail spirituel, c’est du spiritisme, le pire écueil qui menace l’apprenti.

Notre travail consiste à cultiver des moments de paix intérieure, d’être en contact conscient avec notre corps physique, avec le peuple de nos cellules. Nous devons contacter le sens premier qui est le sens de la vie. Nous avons l’habitude de parler de nos cinq sens, mais en réalité, vous le savez certainement, nous avons douze sens et le premier parmi tous est le sens de la vie. C’est lui qui se manifeste le premier, dès la conception, la fécondation de l’ovule, c’est le sens de la vie qui va créer la fusion et la fraternité entre les cellules qui vont constituer notre corps physique. C’est le sens de la vie qui maintient la cohérence de notre corps physique et son intégrité. C’est lui qui préside aux fonctions fondamentales qui nous maintiennent en vie. L’essentiel du sens de la vie est hors de notre champ de conscience. Pourtant, si nos autres sens fonctionnent c’est parce que  nous sommes en vie, encore faut-il s’en rendre compte.

Sentir la vie en nous, sa pulsation, sa chaleur, écouter les bruits doux et harmonieux de notre corps au repos. Ecouter ce niveau de silence nous conduit vers la paix intérieure. Rien n’a d’importance que ce contact privilégié avec nous-même loin de l’agitation de notre ciboulot ou de l’excitation de nos émotions. Il nous faut accueillir nos penchants, mais ils ne doivent pas être notre moteur en ces moments consacrés au contact avec nous –même. Dans cette sérénité, lorsque nous sommes prêts et ouverts, dans la paix de notre être, le passage du seuil peut se présenter. Ne rien forcer, ne rien brusquer, surtout rester spectateur neutre et bienveillant. Dès que l’ego pointe son museau, patatras, il projette des images plus ou moins gracieuses dans l’éther réflecteur et on part vers des délires plus ou moins lourds et encombrants.

Une image peut aider à comprendre comment nous influençons l’éther réflecteur. Comparons-le à un verre d’eau pure. En entrant en contact, on injecte une quantité d’encre de couleur. L’ensemble du contenu va être agité de volutes teintées. Si l’encre est bleue, rouge ou verte, les volutes ont la couleur correspondante. La couleur ne vient pas de l’eau mais de l’encre qui a été injectée. Tirer des conclusions sur la couleur de l’eau n’est dans ce cas pas faux, mais ce n’est pas non plus vrai car au repos, avant l’injection d’encre,  l’eau n’a pas de couleur. Ainsi la description de ce qui se passe dans ce monde est très variable d’un individu à l’autre en fonction de sa culture et de son histoire. Les bouddhistes y rencontrent Bouddha, les chrétiens Jésus et ses saints, les Indiens Shiva… chacun avec sincérité y rencontre ce qu’il y convoque, ce qu’il y construit.

Une autre image peut amener un élément de compréhension supplémentaire, celle de la  vitre sans tain. Lors du passage du seuil nous nous trouvons devant une vitre sans tain. Tant que nous nous agitons mentalement ou émotionnellement nous produisons des images sur la glace et nous les voyons. Si nous entrons dans un état de grande quiétude, nous ne projetons rien sur la glace et une lueur peut se distinguer derrière la glace. Plus notre état de paix intérieure est développé et plus cette clarté prédomine et nous permet de voir enfin au-delà du miroir.

Qu’y a-t-il derrière le miroir ? La réponse n’appartient pas à l’intellect, elle n’est pas ici, elle est au bout de vos méditations, par-delà du seuil.



17/10/2015
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