Suites des réflexions sur la vision d’Amma concernant l’importance de notre propre rôle dans la qualité de notre vie : enfer ou paradis.
Sommes-nous égaux devant l’émotion, la rancune et la vengeance ? Des marqueurs génétiques ne nous déterminent-ils pas à produire cérébralement les pensées négatives et nocives ?
Questions de Mathieu
Vaste champ qui est ouvert là ! Merci pour ces questionnements qui vont nous permettre d’approfondir un peu ce sujet. Ces deux questions sont liées. Il est d’usage de penser que si un enfant a un même comportement que son parent, c’est par hérédité. En fait souvent ce n’est pas le cas. L’hérédité influe peu sur le caractère. L’enfant se construit, établit son ego, son caractère dans l’imitation de ses modèles référents que sont ses parents. Toute sa petite enfance il prend pour vérité intangible tout ce que les adultes et ses parents en particulier lui disent et lui montrent.
Très vite, il imagine ses parents tout-puissants et entre en compétition avec eux dans un jeu compliqué de peur de les perdre et de volonté de les dominer. Découvrant l’image de sa volonté, par imitation de ce qu’il perçoit de ses parents, il cherche à s’en servir pour les faire répondre à ses moindres désirs en voulant s’imposer au monde. Cette volonté de toute-puissance ne peut conduire qu’à rencontrer à un moment donné le refus et la frustration qui sera la source de nombreuses souffrances.
L’enfant construit ses stratégies futures, les modes de fonctionnement réflexe qui vont lui servir durant toute sa vie sur le modèle des réactions qu’ont pu avoir ses parents face à telle ou telle situation. Ainsi se dessinent les contours de sa future personnalité. Il absorbe comme une éponge ces influences. Et les processus de protection aux situations du monde extérieur se mettent en place, profondément ancrés, bâtissant le socle des croyances, fixant des limites, des règles qui souvent n’existent que pour lui. Elles vont le limiter et peuvent le faire souffrir. L’enfant se construit une image à deux niveaux, celle qu’il offre aux autres, le personnage qu’il va jouer et son être profond. Assez vite, au bout d’efforts importants pour s’y conformer, il va se confondre avec cette image de lui. Il va se mettre en place une échelle de valeur tout à fait arbitraire qui dépend du contexte local dans lequel grandit l’enfant.
Puis commencent les blessures nées de ce qui va paraître injuste, la déception profonde, la dépression ou la colère lorsque l’enfant constate que ces parents ne sont pas le modèle parfait, les êtres idéaux qu’il avait cru qu’ils étaient.
Les échecs qui ne manquent pas de se présenter vont aussi blesser l’être en construction. Il va mettre en place des stratégies pour se défendre, pour déceler les situations « à risque » et les éviter si possible.
Le mental évalue en permanence toutes les situations, tous les individus qui se présentent à nous. Il scrute chez eux ce qui peut nous être agréable ou ce qui peut être une menace et juge en permanence.
Nous sommes dépositaires de la pulsion de vie qui nous anime et inconsciemment nous avons peur de perdre le lien avec la source, de mourir. Notre ego s’érige en grand défenseur de la vie en nous et dirige tout, enfin veut diriger tout.
En fait heureusement pour nous que les processus vitaux se passent de notre mental et notre ego sinon nous n’irons pas bien loin.
Il n’y a pas forcément d’influence de la génétique sur notre réaction aux agressions extérieures ou aux supposées agressions extérieures. Elles sont du fait de notre construction, de notre histoire propre, l’environnement y apporte la plus grande part. L’enfant amène aussi avec lui un bagage, mais en général, ce potentiel se révèlera plus tard, à l’adolescence ou à l’âge adulte, il demande un travail sur soi, une discipline du mental et de l’ego pour pouvoir s’exprimer.
Le besoin de vengeance montre une relation dévoyée à la justice, révèle un vécu traumatique et de grandes frustrations cumulées par rapport à des situations où l’on a le sentiment d’avoir été traité injustement. Il y a là transfert d’un besoin de réparation ancien. On peut mettre sur le même plan la volonté d’avoir toujours raison qui sont des expressions pures d’un ego qui porte de profondes blessures.
Ce besoin est un détournement de la pulsion de vie. Il ne s’agit pas d’une action consciente, mais d’un réflexe issu de notre histoire.
Le travail spirituel ne consiste pas à se lever un matin en n’ayant plus aucun problème, en faisant table rase du passé. Il consiste à accepter de descendre au plus profond de ce qui provoque la détestation de nous (la nigredo des alchimistes), à regarder en conscience la bassesse de certaines de nos motivations, notre égoïsme, notre hédonisme, notre humanité à l’état brut. Bref ne plus être dupes de nos mécanismes, de les observer dans une position de neutralité. C’est-à-dire ne pas se juger, mais observer la perversion du mécanisme. Etre conscient, simplement les observer et d’eux-mêmes ils vont se modifier.
Ce n’est qu’une fois le fond touché qu’on peut envisager une ascension, sinon on patauge sans fin dans des stratégies d’évitement. Le plus difficile dans le travail, c’est de cesser de se mentir à soi-même, de se regarder sans complaisance, mais aussi sans jugement.
Le meilleur entraînement est d’accepter de ne plus être dupe de nos mécanismes, de nos petits arrangements avec les faits et avec les êtres.
Il est naturel que les situations extérieures provoquent des réactions. A nous de prendre un temps de respiration avant d’agir en réaction. La réaction est une action conditionnée, elle n’est pas nous. Elle est dictée par la situation et par notre ego ou notre mental. Nous avons tellement peur que notre image que nous avons mis notre vie à construire soit écornée ou détruite que nous lui sacrifions tout. Cette protection devient le principal objet des attentions de l’ego et du mental à son service. Nous pouvons arrêter ce cercle vicieux et l’ouvrir.
Si on ne cherche plus à avoir tout le temps raison, la posture des autres change envers nous et ils ne cherchent plus à avoir raison eux non plus, ils nous écoutent mieux. Les combats de coqs sont pour les coqs, pas pour les humains.
Une fois que nous avons intégré que le flux de vie se protège lui-même sans les finasseries de notre ego, nous pouvons lui faire confiance et lâcher prise afin qu’il prenne les rennes et nous conduise vers la découverte de notre être intérieur.
La rancune est un poison que l’on s’injecte tout seul, en réalité l’autre n’y est pour rien car il ne dépend que de nous de la nourrir ou de laisser filer. Le pardon nous soulage en premier, il est dans notre intérêt vital de pardonner car ainsi on se libère de la souffrance que provoque la rancune qui bloque l’écoulement harmonieux de l’énergie de vie en nous.
Au contact de l’autre, il est intéressant de le regarder en prenant conscience que lui aussi protège de son mieux la pulsion de vie qui s’exprime au-travers de lui. Nous avons ce souci commun, cette peur commune de le perdre. En cela nous sommes humains et semblables, le reste n’est de fioritures, échafaudages, masques et illusions.
Nous avons toujours le choix de rester dans l’illusion, à la surface des êtres et de la vie ou de laisser la place à la simplicité de l’être, à la confiance dans la vie. Notre problème est de ne pas faire confiance à la pulsion de vie et de vouloir toujours maîtriser ce qui se passe. De cette manière on crée des désordres et des distorsions dans l’écoulement de cette énergie qui ne demande qu’à exprimer de l’harmonie si on la laisse faire.
La qualité de notre vie ne dépend que de nous et de notre posture face aux évènements. Je vous souhaite d’expérimenter pleinement les deux vertus que sont la compassion et l’humilité, autant dire le meilleur.
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