« Savoir écouter est un art. » Epictète
Chacun est persuadé de savoir écouter, cette maxime peut paraître superflue, pourtant…
Prenons un instant et réfléchissons à nos postures lorsque l’autre s’adresse à nous. Tout d’abord, les échanges sont à la surface des êtres loin de toute zone d’inconfort. On parle du temps, on échange des banalités sans consistance et les réponses aux questions sont conventionnelles. Toute réponse qui sort de ces conventions pose problème et crée une réaction de recul chez celui qui écoute. Il s’agit d’une phase d’apprivoisement mutuel. Nous cherchons à percevoir et à prévoir les réactions de l’autre. Nous vérifions qu’il se comporte de manière conforme à ce que nos paroles doivent provoquer. Dans l’autre sens nous formatons nos réponses pour ne pas déranger l’autre. Petits mensonges de la banalité quotidienne.
Quand la confiance est établie, que chacun est certain de ne pas se faire dépouiller ou que son image ne sera pas dégradée alors on peut entrer dans une zone intermédiaire où celui qui parle va raconter des évènements ou présenter ses convictions en les habillant, en les transformant pour les rendre acceptable et donner envie à l’autre de l'accepter, de l’aimer. Il y ici un double jeu de séduction et de pouvoir. A la fin de l’échange chacun souhaite ressortir grandi aux yeux de l’autre.
Cette simple description montre que cette phase d’approche ne concerne que les egos. Il n’y a là généralement pas présence active de notre Soi, notre être intérieur.
Dans le dialogue, nous sommes souvent plus pressés de briller par nos réponses que de comprendre au fond ce que l’autre a voulu exprimer. Nous réagissons comme si les mots avaient le même sens pour l’autre que pour nous. Pourtant nous n’avons pas le même cadre de référence, même si on se connait depuis toujours. La question à se poser est de savoir ce qui est le plus important : comprendre l’autre et le laisser s’exprimer complètement ou bien lui donner notre avis qui ne lui servira à rien d'autre qu'à l'égarer.
Ce dont l’autre a besoin, ce n’est pas de notre opinion ni de nos conseils qui ne vont que l’encombrer davantage et l’éloigner du chemin de sa solution qu'il est le seul à pouvoir trouver. Cessons de déposséder les autres de leur valeur en leur imposant notre vision racornie de la situation, de solutions qui conduiront l’autre à l’échec puisqu’elles ne nous ont pas nous-même conduit à la plénitude de la joie extatique permanente.
L’art de l’écoute est de regarder ce que l’autre dit en cherchant à ce qu’il se comprenne par lui-même. Qu’il allume sa propre lampe de sagesse et disperse avec les ténèbres qui l’encombrent. Qu’il distille l’élixir qui va le guérir de ses blessures. Que ce soit sa victoire pleine et entière. Nous n’avons pas le droit de décider ce qui est bon pour lui ni de ce qu’il doit ou ne doit pas faire.
Notre écoute doit être rassurante, sans curiosité ni jugement, portée par la compassion, la volonté d’être présent à l’autre pour qu’il n’ait pas peur d’avancer en lui-même. Ecouter n’est pas juger, nous en savons trop peu et notre morale n’appartient qu’à notre ego, laissons la de côté quand l’autre se dévoile, restons neutre et bienveillant. Ce qui compte, c’est que l’autre ait pu exprimer ce qu’il porte le plus clairement possible, qu’il comprenne et accepte, qu’il formule ce qui est là pour lui. Ça ne présente que peu d’intérêt que nous comprenions exactement ce qu’il dit.
Il existe un processus de guérison formidable qui va alors se mettre en route en dehors de notre volonté et de nos conseils foireux. Ce processus est totalement inconscient et automatique, comme la digestion des aliments. Celui qui a l’humilité d’accepter sincèrement ses travers et les regarde avec franchise et clarté s’en débarrasse, une part de lui va les digérer et les transformer. Il s’agit là de l’aliment premier de notre moteur spirituel si j’ose la comparaison.
Celui qui possède cet art de l’écoute guérit son âme et même sans le vouloir guérit celle des autres, grâce à sa compassion il autorise les autres à se débarrasser de leurs souffrances. Le chemin que fait celui qui est écouté résonne dans celui qui écoute et ils grandissent ensemble. La gageure est que celui qu'on écoute arrive à un état de paix qui lui permette de s'écouter aussi avec compassion et sans jugement. C'est dans cette voie que nous devons l'accompagner, apprendre à accepter ce que la vie a fait de lui.
En ce joli jour, je vous souhaite cette qualité d’écoute, autant dire le meilleur.
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