Le personnage du roman
Le personnage de Pierre est bien entendu une pure fiction. Son histoire et son caractère sont caricaturaux. Ils servent de support à la description de l’homme de manière plus générale. Ce roman décrit la transformation de la personnalité et la découverte par un presqu’autodidacte du chemin spirituel. La spiritualité s’entend ici comme étant la relation de l’homme à l’esprit. Il est mis dans une situation qui ne lui donne aucune latitude pour la fuir ni même pour se mentir indéfiniment. Le mensonge est un commerce qui se justifie en fonction de l’image faussée que l’on veut donner de soi aux autres, pour nous rendre favorables des situations qui ne sont pas forcément à notre goût ou à notre avantage
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Il est évident que le premier à qui nous mentons, c’est nous. Les petits mensonges quotidiens sont le secours devant la médiocrité ordinaire de nos motivations domestiques. Pour les rendre acceptables aux autres, nous habillons nos travers. Nous pensons qu’il est plus facile de les travestir que de les transformer. Dans son développement l’homme établit des stratégies d’évitement pour ne pas se confronter à la nécessité de changer. Le changement est une grande source d’angoisse, un ensemble de souffrances possibles. Afin de ne pas risquer de ne pas être à la hauteur, autant éviter la confrontation. Le mensonge est l’outil idéal. Pierre était maître dans l’art du mensonge et de l'usage de son outil qu’est la manipulation.
Sous l’écorce de l’autorité et de la force de conviction se cache systématiquement un être fragile qui doute et se rassure en imposant son point de vue qu’il finit par croire être le meilleur. Le meilleur signe du doute qui l’habite, ce sont ses colères, ses crises d’autoritarisme qui n’ont pour objet que de masquer l’illégitimité de sa posture qu’il ressent profondément et veut cacher aux autres.
Se présentant comme celui qui a tout réussi, qui dirige sa vie et sait où il va, il n’est toujours qu’en fuite de ses faiblesses. Partir au loin ne règle rien de nos problèmes intérieurs, il est évident qu’étant liés à notre personnalité ils nous suivent au bout du monde. Celui qui fuit dispose d’un court moment de répit en se créant une nouvelle virginité éphémère. Il oublie les histoires sombres, il gomme ses fautes passées, enjolive ses réussites. Cela dure le temps que les autres percent la carapace ou au moins doutent de ce qui est présenté. En effet, le caractère étant le même, il produira tôt ou tard les mêmes effets s’il n’est pas corrigé par un travail de tous les jours.
Transformer son caractère n’est pas une fin en soi. Cela revient à détourner le flux d’un fleuve, il aura toujours tendance à retourner dans son ancien lit. Le combat est quotidien, il lui faut une profonde motivation pour que Pierre puisse réellement engager sa transformation. Cet exercice ne peut se faire sans traverser les marécages de ses penchants les plus sombres, sans vomir sa mesquinerie et ses tripatouillages avec la vérité.
Dans sa cellule, Pierre ne dispose de rien pour se raccrocher et ses stratégies habituelles sont neutralisées et inopérantes. Paradoxalement alors qu’il ne s’intéresse qu’à sa personne, il fuit comme la peste tout travail d’introspection qui le mette face à ses motivations profondes. Son incarcération l’oblige après avoir rendu tout le monde coupable de ce qui lui arrive à envisager sa propre responsabilité. Il prend conscience que rien de ce qui nous arrive ne le peut sans notre acceptation. Ce point de vue est difficile à admettre, mais il libère de la vaine recherche d’un coupable à l’extérieur de nous. Nous seuls pouvons agir sur notre vie, les autres n’ont que le pouvoir que nous leur donnons. De même, nous n’avons sur eux que celui qu’ils nous accordent.
Par la force des évènements, Pierre mène un important travail d’introspection qui va lui permettre de purger ses différents litiges intérieurs. Après avoir fait le deuil de son ancienne personnalité, il se laisse conduire par son « intuition ». Par tâtonnements successifs, il va parvenir à trouver le chemin de la lumière en lui. Il va laisser cette lumière qui est naturellement là se manifester, accueillir la présence de son esprit. Il va cesser de lutter contre et accepter que le courant d’amour le submerge, autorisant son âme à l’habiter. Il va expérimenter le contact avec le meilleur de lui-même. Comme tous ceux qui l’ont expérimenté, il n’aura de cesse de retrouver ces états de grâce et de béatitude.
Certains commentaires que j’ai semé au long de son chemin insistent sur l’illusion dans laquelle s’entretient souvent Pierre. Ils sont assurément désagréables. Ils nous renvoient à la propre fragilité de notre position sur le chemin où nous sommes souvent en équilibre plus ou moins instable plutôt qu’en harmonie. Peut-être n’est-ce pas le cas pour nombre de lecteurs, c’est le mien. Les stratégies que l’ego a mis en place pour garder le pouvoir sont formidables et d’une grande finesse souvent. On peut en toute sincérité confondre les illusions qu’il projette avec la réalité pour nous détourner du travail sur nous.
La juste posture est difficile à trouver, il y faut beaucoup d’humilité et personnellement j’en manque souvent. Notre mental, notre cœur sont capables de monter de telles fantasmagories autour de nous qu’elles nous piègent et peuvent aussi illusionner ceux qui nous côtoient. Les stratégies sont nombreuses pour nous égarer ailleurs que dans la voie de notre transformation. En particulier celle très en vogue de devenir thérapeute « spirituel » ou celle de s’auto investir de la mission d’intervenir dans la vie des autres en ayant la prétention de savoir mieux qu’eux ce qui est bon pour eux, directement ou par le truchement de « guides ». Il ne s’agit là que de stratégies de l’ego qui investit le cœur mais est toujours avide de toute-puissance et de domination.
Il est nécessaire de faire preuve d’un grand discernement dont manque naturellement tout apprenti. C’est pour cela que dans les initiations traditionnelles, l’apprenti n’a pas le droit de s’exprimer. Le symbole est puissant, l’exercice édifiant pour celui qui le traverse. Il doit entendre tous les points de vue, mais pour l’instant, le groupe n’a pas besoin du sien, en tout cas tant qu’il n’aura pas trouvé la position correcte, engagé un travail sérieux sur lui qui lui donne accès à une position dans laquelle le groupe l’autorise à s’exprimer.
Les groupes humains mettent en commun une part de l’énergie individuelle de chacun de leurs membres. C’est une sorte de cotisation éthérique. Cette énergie est animée par cette mise en partage et plus il y a d’individus raccordés ou plus leur lien est puissant et plus cette énergie est importante et influente sur eux et autour d’eux. Elle n’agit pas directement contre leur gré mais renforce leurs convictions et les fédère entre eux. Ce sont des égrégores, Eliphas Lévi décrit ce qu’ils sont ainsi que le monde d’illusions et de mirages qui les caractérise.
Les groupes menés par des personnalités fortes créent de fait des égrégores qui se nourrissent de cette énergie et ne souhaitent que s’étendre et durer. Des individus mal intentionnés peuvent utiliser cette technique pour vivre aux crochets de leurs « disciples » qu’ils maintiennent dans la dépendance. Seul le discernement permet de s’en protéger. Ils sont un piège auquel chacun doit être confronté dans son chemin. Il est difficile de s’en émanciper car l’égrégore qu’ils entretiennent sait donner des « sucreries » pour garder les humains dépendants de son influence. Les partis politiques fonctionnent sur ce modèle avec souvent la vocation exclusive d’accéder au pouvoir. Par eux-même, les égrégores sont neutres, ce sont des outils. (Ce n'est pas faute du marteau si on se tape sur les doigts).
Pierre est sous l’influence de l’égrégore de la secte bouddhiste à laquelle appartient Thundup son précepteur en spiritualité. Dans sa cellule, c’est à cet égrégore qu’il se lie et c’est par lui qu’il contacte les souvenirs de ce qu’ils ont vécu et les connaissances qu’il expérimente. Il se produit un échange gagnant-gagnant, plus Pierre se dégage de ses entraves mentales et affectives, plus il nourrit l’égrégore qui en retour lui donne accès à des domaines plus étendus de connaissances et de sensations.
La position dans la cellule tient Pierre à l’écart de la tourmente d’images et d’informations qui nous assaillent dans notre monde moderne. Son accès au silence est privilégié par l’absence de sollicitation de ses sens par le monde extérieur. Plus personne n’est là pour contempler le rayonnement de son ego et de sa « réussite », il n’est donc plus besoin de le nourrir. Plus personne ne l’observe aussi assez vite il n’est plus nécessaire de mentir pour donner une image désirable de lui aux autres. Il fait face à sa véritable humanité en se libérant de ses tripatouillages. Ce qu’il va in fine découvrir de lui, sur lui, est tellement plus beau que tout ce qu’il a pu inventer. Sa propre compagnie lui devient agréable. Comme tous ceux qui ont expérimenté la méditation, il y consacre le plus de temps possible dans sa vie, à la rencontre de son être intérieur. La meilleure fréquentation possible et la plus utile.
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