le chapitre 5 "Vivre encore"
C'est évident, la vie continue et elle impose de se lever et de se nourrir, chaque jour, de continuer à exister coûte que coûte. Le flux de la vie ne s'arrête pas, il nous aspire vers la suite de notre histoire. Pour Pierre qui est encore jeune, l'énergie de vie est là et le motive à s'accrocher. La peur de la mort se traduit par un besoin d’occupation qui permet d’éviter les moments de silence durant lesquels Pierre risque d’y penser.
Dans ce chapitre, on donne une balayette à Pierre, symboliquement pour qu’il commence à faire le ménage dans sa tête et dans sa vie. La décision de vivre encore nécessite de projeter un nouveau chemin, l’ancien l’ayant conduit dans l’impasse que constitue cette cellule. Pierre agit en conséquence et le nettoyage de fond en comble de sa cellule représente une autre dimension de nettoyage. C’est celle de sa tête et de tout ce qu’elle contient de superflu et d’inutile. Il s'agit de balayer les intentions de pur calcul égoïste.
Pierre prend conscience qu’il n’habite en fait nulle part, qu’il ne compte pour personne. Il est seul au monde comme nous tous, chacun à des degrés différents. Il ne peut pas fuir sa solitude comme il a eu l’occasion de le faire toute sa vie jusqu’ici en s’occupant en permanence. Vient ensuite un rasoir qui symbolise l’action de couper les liens avec ses anciennes attaches, avec ses anciennes structures mentales et affectives. La première réaction de Pierre est d’y voir une forme d’agression, puis après réflexion, il comprend qu’avec le savon et le blaireau, il dispose de quoi améliorer son confort.
A l’exercice, il commence par se raser la barbe, dans son élan, il se rase aussi le crane. Ceci représente que le plus difficile dans le travail spirituel n’est pas de fixer un but, mais de placer l’intention et de démarrer. Une fois l’action entamée, elle s’alimente et s’amplifie par sa propre dynamique. Il arrive souvent que le résultat obtenu soit au-delà de ce qui était recherché ou dépasse largement le but premier. Non seulement Pierre coupe les liens inutiles dans lesquels il s’était empêtré mais il se sépare aussi de leurs résultats en ramassant et rejetant l’ensemble des déchets ainsi produits. Il s'agit d'un parallèle avec la tonsure des moines lorsqu'ils prononcent leur vœux.
C’est ici que Pierre abandonne l’idée d’un jour prendre la main, de dominer son gardien ou ceux qui ont décidé de l’enfermer ici. Il décroche avec sa vie passée dont les souvenirs deviennent flous, comme s’il en avait été un simple spectateur. Il glisse vers la juste position de neutralité, se place dans l’alignement de son axe. Il se détache de tout objectif de lutte mais aussi de toute forme de fuite. Il s’installe dans le présent, seul lieu où nous pouvons agir. Dans l’incohérence du fonctionnement de sa prison, Pierre est confronté à l’incohérence de ses buts anciens et de la course en avant de nos sociétés vers de buts qui détournent l’humanité de sa recherche légitime d’un bonheur durable et partagé de la joie de vivre ensemble.
Pierre réalise qu’il est dans un lieu de l’immobilité, figé dans le temps et l’espace. Personne n’est entré ni sorti de cette prison depuis qu’il y est entré. Ceci symbolise que Pierre est toujours dans un état de relative stagnation.
Le gardien donne deux couvertures pour honorer le fait que Pierre prend enfin soin de lui convenablement, qu’il s’occupe enfin du confort de son être intérieur plutôt que de son image. Il y a aussi une prise de conscience de l’aspect inconditionnel des échanges. Le gardien n’attend rien en retour comme lorsque nous avançons sur le chemin spirituel nous ne devons rien attendre comme récompense. Ce sont nos attentes qui bloquent le courant d’énergie ou le dérivent ailleurs que là où il nous serait bénéfique. Tant que notre toute puissance s’exprime, elle gaspille cette énergie qui ne peut hélas être mieux utilisée.
Pierre découvre aussi la vertu des règles et de l’organisation. Seul dans sa cellule, il se crée des rituels, des actions à mener dans un ordre précis. Il a besoin d’un cadre pour se rassurer et donner du sens à sa vie. Dans un premier temps, il n’arrive pas à remplir toutes ses journées alors il ressasse ses rêves. Ceux avec les loups, sa confrontation avec les frustrations liées au non usage de sa force sexuelle qui le fait souffrir. Le deuxième rêve concerne l’achat très compliqué d’un œuf, avec une erreur sur le prix encore plus compliquée à résoudre. Une fois la solution trouvée, au lieu d’en être satisfait, Pierre se dit qu’il aurait dû acheter deux œufs.
Voici une illustration des mécanismes du fonctionnement de notre ego, de sa méthode pour créer de l’insatisfaction car c’est un de ses moyens d’épanouissement. Ici Pierre commence à comprendre que s’il ne doit pas suivre son ego car n’ayant que des buts de satisfaction à court terme, il ne peut que l’égarer. Se battant pour n’avoir qu’un œuf, il est tellement accaparé qu’il se trompe de prix. Se battant pour se faire rembourser, il a oublié qu’il voulait faire une omelette et que sa victoire pour acheter un seul œuf au bon prix ne sert à rien car en fait ce n’est pas de cela qu’il avait réellement besoin.
Pierre prend davantage contact avec son corps et cherche à maîtriser la respiration par des exercices qu’il invente. Il se prend au jeu et expérimente jusqu’à trouver les rythmes fondamentaux et s’harmoniser avec eux, mais la route est longue.
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