Chapitre 3 "Tristesse, peur et désespoir"
Une fois passée la colère, Pierre n’a personne à accabler ni à réprimander. Il est seul face à lui-même et n’a aucune échappatoire. Ses ruses n’ont pas la possibilité d’aboutir dans cette cellule. Il n’y a personne à tromper ni à manipuler. Pierre expérimente la tristesse de sa solitude, elle lui est d’autant plus insupportable qu’il n’a que lui à fréquenter et qu’il se sait être une personne inintéressante. Il tenait les autres par la peur, le chantage, les obligations. Là aucune de ses attitudes habituelles ne peut l’aider. Il en ressent une profonde et amère tristesse. Chacun de nous est confronté dans sa vie au dégoût de soi. Pierre persiste à se mentir en rendant toujours les autres responsables de ce qui lui est arrivé de négatif dans sa vie. Il mesure quand même que tout ce qu’il avait construit était artificiel et qu’il ne lui en reste rien ici. Il a passé sa vie à se fuir en se pavanant devant les autres sans jamais se remettre en cause ou envisager qu’il lui soit nécessaire de s’améliorer.
Ayant perdu ses repères, Pierre finit par perdre sa superbe confiance. Il ne contrôle plus rien alors il se réfugie dans la peur. La peur est un artifice qui met fin à la réflexion, elle permet d’éviter de creuser trop avant, elle fige sur place celui qu’elle saisit. La peur porte en elle le spectre de la fin, de la mort possible que notre ego et les cellules de notre corps physique redoutent tant. Il n’y a rien pour eux au-delà et ils le savent bien. Pierre qui se confond avec eux ne peut qu’être saisi par leurs angoisses et trembler de peur.
L’absence de bouc émissaire à portée de main et de solution objective pour se sortir de cette situation conduit Pierre à expérimenter le désespoir. Pierre doit reconnaître son impuissance, son incapacité à modifier le cours des évènements. Sa colère et ses efforts n’ont aucune prise, son énergie est dispersée en vain. Sa peur ne l’a pas protégé, elle n’a rien changé à la situation.
C’est dans ce chapitre que Pierre prend conscience qu’il n’est pas forcément le personnage parfait qu’il s’était construit à son réveil. Cette étape symbolise la prise de conscience des états de l’être entre ses composantes. Pour aller plus avant, précisons la structure de l’homme. Pour simplifier l’homme est selon la tradition chrétienne constitué de trois éléments fondamentaux son esprit, son âme et son corps physique. L’esprit à vocation à rayonner déployer sa puissance, l’âme a pour vocation d’embrasser tous les êtres et de s’étendre à l’infini, le corps a pour vocation d’être sain et vigoureux. L’ego qui se constitue dès la naissance se construit par l’expérience et reflète les aspirations de l’âme et de l’esprit à sa façon. On y voit deux tendances, tout d’abord une faim de toute-puissance qui le pousse à dominer les autres physiquement ou intellectuellement en les asservissant ou en les manipulant, c’est le mental. Ensuite, on constate un besoin de posséder des objets, des biens mais aussi des êtres, avoir des émotions fortes, c’est là le cœur humain, l’amour de soi y compris au-travers de autres et l’expansion selon l’ego.
La conscience quotidienne est un mélange de ces tendances par imitation plus ou moins dévoyée des penchants de l’âme et de l’esprit et par le résultat des expériences de l’ego. Il ne faut pas voir dans l’ego un mauvais personnage, un ensemble de penchants négatifs. Il est la résultante sincère de nos expériences de vie, il se construit au mieux pour protéger son refuge, notre corps et s’applique à remplir cette mission. Dans ce chapitre, Pierre commence à discerner les mécanismes internes de fonctionnement et découvre la position d’observateur neutre dans laquelle au départ on reste peu.
C’est dans ce chapitre que les loups font leur apparition pour la première fois. Revenant à un meilleur état de forme physique, il est naturel que la force sexuelle que symbolisent les loups commence à tourmenter Pierre. La transposition avec les loups permet de montrer un exemple du dialogue que cherche à établir notre être intérieur avec notre conscience de l’état de veille. Il montre aussi que la pulsion de vie peut si elle est abandonnée ou mal canalisée devenir une énergie destructrice, dévastatrice, une pulsion de mort. Il n’y a au départ aucune pulsion de mort, c’est un détournement lié à principalement à nos peurs héritées de notre manque de maîtrise de certaines pulsions qui les oriente ailleurs. Comme l’eau qui s’écoule, nos pulsions peuvent être des ruisseaux bucoliques, des fleuves tranquilles ou bien si elles sont mal gérées s’accumuler, former de embâcles dont les lâchers sont destructeurs, créant des submersions dévastatrices auxquelles rien ne peut résister.
Le travail du disciple est de repérer en lui ces poches d’accumulation d’énergie et de trouver une issue pour les utiliser sans qu’elles ne causent de dégât en lui ou chez les autres. C’est la fameuse période de chauffage lent de l’athanor des alchimistes qui consiste à consommer à petit feu, sans se précipiter toute cette énergie qui encombre nos corps et les fait dysfonctionner. L’incapacité de Pierre à trouver une solution rapide ou un souffre-douleur pour se débarrasser immédiatement de ses problèmes le place dans une situation nouvelle et angoissante. Il appelle au-secours dans le vide, seul le silence lui répond. Ce mépris franchement affiché de sa personne auquel il n’est pas habitué le blesse profondément et le conduit au désespoir.
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