Emotions collectives
En ces temps d'exploits sportifs, on nous explique toute la nécessité de se laisser porter par nos émotions, du grand bien que procure ce partage de la victoire (pour ceux qui gagnent, les autres...). Ceux qui ne sont pas dans cette pensée unique sont présentés comme des êtres négatifs, en marge de la société, pratiquement nuisibles au bonheur collectif. Mais de quel bonheur s'agit-il ? Quelle est la part de l'être qui est exaltée ? Est-on vraiment en harmonie ? L'état des stades et des villes après ces évènement ne traduit pas cela.
Une simple question : pourquoi toutes les victoires dans les autres sports ne procurent-elles pas la même liesse ? Il paraît qu'en même temps que les bleus, une équipe féminine a aussi obtenu un titre de championnes du monde sans qu'on parle d'elles ni qu'elles soient reçues à l'Elysée (elles n'avaient pas de sponsor assez rayonnant). Si la véritable motivation de cette agitation autour du sport était la cohésion nationale il n'y aurait pas de sport plus "noble" qu'un autre, de sport plus rémunérateur qu'un autre.
Ne confondons pas accueillir nos émotions avec bienveillance et se mettre dans une tempête émotionnelle qui nourrit les instincts les plus bas chez la majorité. Ces épanchements populaires sont systématiquement accompagnés de violences de tous ordres qui si elle ne s'expriment pleinement que chez une minorité sont présentes chez presque tous. La relation à nos émotions qui nous fait grandir est la compassion et elle a été totalement absente lors du mondial où dominait la colère d'un but encaissé, l'explosion de joie de celui marqué. Cela est du même niveau que la réaction de l'huitre qui se replie sous le piquant de pointe du couteau ou celle du chien à qui on donne un os.
Tout cela a à voir avec le système tentaculaire de la publicité et du sponsoring qui a besoin de notre appartenance à ses valeurs consuméristes. Il s'agit là d'une forme d'égrégore qui se repait des émotions et donne en échange une sensation d'appartenir à "la" société. Quelle société ? Celle de l'exploitation à outrance de la planète, de ses ressources, des animaux et des hommes et vue d'en tirer toujours plus de profit. Comme les autres, cet égrégore puissant se nourrit sur le dos de l'humanité et la manipule autant qu'elle se laisse faire. Il nous pousse à croire en la nécessité absolue d'appartenir à la nation. Ce concept est totalement artificiel et seul l'ego se reconnait dans l'appartenance à une nation. Notre seule appartenance est au monde des vivants. Elle inclut non seulement tous les humains sans distinction, mais également tous les animaux.
Je vous donne un critère imparable pour savoir où vous en êtes : tant que vous cultivez l'appartenance à un groupe vous cultivez la domination par l'ego.
L'ego est le moteur et en cela il est nécessaire, pour autant, il n'a pas à diriger. Actuellement ce sont les egos qui dirigent le monde et on voit bien où cela nous conduit : dans culture de la différence qui provoque immédiatement l'opposition, la dualité et le besoin de consommer pour exister. Dans ce cas, il faut toujours un gagnant qui se réjouit et un perdant diminué. Notre but collectif est d'atteindre l'unité, cessons ces pratiques qui nous divisent et cultivent la différence. L'unité de façade que donne ces grands évènements n'est pas celle à rechercher, c'est une triste illusion. Nous partageons alors une victoire à laquelle nous n'avons en fait pas participé. La seule victoire collective qui vaille, c'est de se mobiliser pour la fraternité, pour que cessent les nations et les guerres dont elles ont besoin pour exister. Eh oui, même notre pays est en permanence en guerre, sauf dans les livres d'histoire nous n'avons jamais connu la paix, toujours nous avons des ennemis qu'il faut éradiquer. On commence par un match de foot et la suite vient toute seule. Il existe mille autres activité humaines qui sont fédératrices et dans lesquelles il n'y a que des gagnants : faire des maraudes pour soutenir ceux qui souffrent, découvrir la beauté de la nature, faire des chantiers de nettoyage...
En ce joli jour, je vous souhaite de remettre l'ego à sa place et de prendre en main la conduite de votre vie loin des sponsors et leur agitation, autant dire le meilleur.
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